Le Vietnam face à la tentation de l’émancipation chinoise.
Guerre et paix, voilà comment l’on pourrait résumer les 2’000 d’histoire tumultueuse entre la Chine et le Vietnam.
La proximité idéologique des partis communistes chinois et nord-vietnamien à partir de 1945 avait forgé une alliance de circonstances contre les ennemis coloniaux, Mais les deux guerres sino-vietnamiennes de 1979 et 1984 avaient démontré le caractère éphémère de cette entente entre le géant du nord et le petit frère du sud.
Le conflit larvé entre la Chine et le Vietnam ne s’est depuis lors jamais arrêté et s’est focalisé sur la Mer dite de Chine, mer que les Vietnamiens appellent la « Mer Orientale ». Le Vietnam, à l’instar de la Chine, revendique sa souveraineté sur les îles Paracels et Spratleys. Presque totalement inhabitées et très inhospitalières, ces îles ont néanmoins une importance stratégique majeure puisqu’elles contrôlent les plus grandes routes maritimes mondiales, dont celles en direction des grands ports chinois et japonais. La zone serait également riche en réserves de gaz naturel et de pétrole.
Sur le sol vietnamien cette fois, la quasi-totalité de la population, y compris les membres du Parti unique, s’inquiète de ce qu’elle perçoit comme un nouveau colonialisme chinois après celui qui dura plus de mille ans (de 111 av. J.-C. à 932). La puissance économique, militaire et politique de la Chine au Vietnam inquiète, comme l’acquisition des terres, jugée frénétique, par des grandes entreprises chinoises ( voir le film ” Un cri qui vient de l’intérieur “d’André Menras dans notre rubrique “Réalisations & reportages”).
Dans ces circonstances, la réponse du Vietnam aux dernières manœuvres belliqueuses de la Chine à l’égard de Taiwan est tout sauf surprenante, quand bien même le régime a toujours défendu la « politique de la Chine unique » comprenant Hong Kong, Macao et Taiwan. Sans rejoindre les positions occidentales, australiennes et japonaises condamnant fermement Pékin, le Vietnam se montrait étonnamment critique à l’égard de la Chine. Alors que des pays tels que le Myanmar, la Russie et la Corée du Nord appuyaient sans réserve la Chine et que la plupart des pays asiatiques adoptaient des positions nuancées et prenaient soin de ne pas (trop) froisser le régime de Pékin, Hanoï adoptait une posture plus proche des Etats-Unis que de la Chine, utilisant d’ailleurs dans sa communication les mêmes éléments de langage que Washington.
Le Vietnam a bien compris que son intérêt, face à l’Empire du Milieu, est de s’attirer les faveurs de l’Occident. L’accord de libre-échange avec l’Union Européenne avait constitué une première étape. La crise de la Mer Occidentale constitue une opportunité unique pour les apparatchiks d’Hanoi de s’immiscer dans les bons papiers du vieil ennemi américain et de se distancer quelque peu de la Chine. Les pays n’ont pas d’amis ou d’ennemis, ils n’ont que des intérêts.
Sébastien Desfayes |