Qui connaît d’ailleurs en Suisse la réalité du Vietnam ?
« Je ne savais pas que le Vietnam était un régime totalitaire ».
Par Sébastien Desfayes / Voilà en substance les mots prononcés par plusieurs participants à la dernière soirée du Cosunam le 17 novembre dernier, encore bouleversés par les images de Nguyen Thuy Hanh enregistrées peu avant son arrestation le 7 avril 2021.
Oui, ceux qui suivent de loin les activités du Cosunam prenaient soudainement conscience de la réalité du régime vietnamien, tant éloignée de l’image de carte postale savamment entretenue depuis des décennies.
Nguyen Thuy Hanh est une prisonnière politique parmi les près de 200 défenseurs de la liberté et des droits humains emprisonnés arbitrairement et dans des conditions indignes dans les geôles vietnamiennes.
Son exemple est éloquent : au travers des combats de Nguyen Thuy Hanh apparaissent en effet un filigrane quelques-unes des plus récentes turpitudes du régime d’Hanoï.
Nguyen Thuy Hanh s’est d’abord levée en faveur du pluralisme politique. Sa candidature aux élections législatives de 2016 a révélé l’ampleur de la répression et des intimidations dénoncées par Amnesty International à l’encontre des candidats indépendants. Pendant plus de 5 ans, elle n’allait plus avoir de repos, sans toutefois que le harcèlement policier dont elle a été l’objet parvienne à la réduire au silence.
En 2017, elle venait en aide aux prisonniers politiques en créant le fonds 50K. Celui-ci visait à récolter des fonds permettant d’assurer la subsistance des personnes injustement incarcérées et de leurs familles.
Poursuivant inlassablement sa lutte en faveur des droits humains, Nguyen Thuy Hanh s’opposait en 2018 à la loi dite de « cyber-sécurité » qui n’a pas d’autre but que de surveiller, contrôler, traquer et emprisonner tous ceux qui osent émettre une critique sur internet à l’endroit du régime. Alors qu’elle participait à une manifestation contre cette loi, des policiers l’ont arrêtée, interrogée et frappée.
L’article 117 du code pénal vietnamien permet de punir impitoyablement les dissidents.
Mais, pour Nguyen Thuy Hanh, la seule façon de défendre la liberté est de continuer à agir, malgré les intimidations, le harcèlement et la violence du régime.
C’est ainsi qu’après le raid sur Dong Tam en janvier 2020, Nguyen Thuy Hanh a encore eu le courage de récolter des fonds pour la famille du dirigeant du village tué par les forces de sécurité, dans des circonstances pour le moins troubles. L’on rappellera que les habitants de Dong Tam protestaient contre l’expropriation de leurs terres par l’entreprise de télécommunications Viettel appartenant à l’armée et qu’à la suite de ce raid, plusieurs condamnations à mort ont été prononcés contre des villageois.
Pour le régime, il fallait faire taire Nguyen Thuy Hanh.
Au petit matin du 7 avril 2021, Nguyen Thuy Hanh a été arrêtée au seul motif qu’elle s’opposait au pouvoir. Il existe dans le code pénal vietnamien un article, plus précisément l’article 117, qui punit d’une peine de cinq à vingt ans de prison, la fabrication, conservation ou dissémination d’informations, de documents ou de biens ayant pour objet de s’opposer à la République socialiste du Vietnam. C’est sur la base de cette disposition que le gouvernement vietnamien, qui contrôle déjà la totalité des médias et musèle le pays, punit impitoyablement les dissidents.
Pendant plus de huit mois, aucune nouvelle n’a été donnée par Nguyen Thuy Hanh. Placée en isolement, elle a été privée de tout contact, fût-ce épistolaire, avec sa famille et ses avocats.
Mais des voix, dans le monde et notamment à Genève, se sont élevées pour réclamer sa libération.
Est-ce le fruit de cette mobilisation? Toujours est-il qu’à la fin du mois de décembre, Nguyen Thuy Hanh a pu donner de ses nouvelles à son époux depuis l’unité carcérale d’un hôpital où elle avait été transférée pour recevoir des soins médicaux.
Une lueur d’espoir, qui ne fera pas oublier que Nguyen Thuy Hanh, à l’instar des autres prisonniers politiques, n’a toujours pas été libérée et que la répression continue. Qui connaît d’ailleurs en Suisse la réalité du Vietnam ? Certes, les cas dramatique de Mmes Tran Thi Nga, Nguyen Thuy Hanh et Pham Doan Trang ont obtenu un écho dans les milieux helvétiques avisés mais ils ne sont pas uniques. Ils sont représentatifs d’une génération de femmes vietnamiennes engagées qui ont décidé à leurs risques et périls de s’engager ouvertement pour les droits élémentaires de leurs concitoyen(ne)s. Et le faire savoir courageusement à l’opinion internationale.