Apparences et réalités à l’Examen Périodique Universel des Nations-Unies
Les apparences et la réalité.
C’était le 22 janvier 2019 au Palais des Nations-Unies à Genève. La République socialiste du Vietnam se présentait à son troisième examen périodique universel (après ceux de 2009 et 2014) devant le Conseil des droits de l’homme. Si une note avait été attribuée, elle aurait été proche du zéro pointé. Malgré ce que le regretté Rolin Wavre avait qualité « d’intense rideau de fumée » produit par les représentants à Genève du gouvernent vietnamien, le Conseil des droits de l’homme avait éclairé d’une lumière crue la situation au Vietnam en distinguant les apparences et la réalité.
Tout ce qui n’est pas le Parti est hors la loi.
Bien que le pays ait des institutions formelles présentant des apparences démocratiques, telle qu’une assemblée nationale, le contrôle strict sur tous les aspects de la vie politique, économique et sociale du pays exercé par le Parti communiste, seule force politique autorisée et détenteur du pouvoir suprême, était relevé. Comme l’avait si bien dit Rolin Wavre, « tout ce qui n’est pas le Parti est hors la loi ». Quant aux élections, elles étaient manipulées par le Parti communiste, ce qui en faisait une mascarade. Les candidats indépendants étaient interdits de participation, et ceux qui se présentaient étaient affiliés au Parti communiste ou à ses organes associés.
Les libertés fondamentales telles que la liberté d’expression, la liberté de la presse, la liberté d’association étaient bafouées et le gouvernement était invité à libérer immédiatement les journalistes, blogueurs, défenseurs des droits de l’homme et militants sociaux et religieux, et à mener des enquêtes indépendantes, ce qui peut paraître un oxymore au regard des circonstances, sur le harcèlement dont les militants étaient victimes.
En bref, la République socialiste du Vietnam état recalée et pas moins de de 291 (!) recommandations lui ont été soumises par le Conseil des droits de l’homme.
Le moment de vérité.
Cinq ans après, le Vietnam s’apprête à passer son quatrième examen périodique qui aura lieu le 7 mai 2024 à Genève et fait également campagne pour sa réélection au Conseil des droits de l’homme pour la période 2026-2028. Pour user d’un euphémisme, les attentes sont grandes tant le Vietnam a multiplié les promesses et les engagements. Sur les 291 recommandations du Conseil des droits de l’homme, le gouvernement de Hanoi a affirmé en avoir accepté 241 (soit 83%).
Par ailleurs, dans le cadre de sa candidature à l’élection au Conseil des droits de l’homme pour la période 2023-2025, la République socialiste du Vietnam avait garanti son « ambition de contribuer de manière active, responsable et efficace aux efforts mondiaux de promotion et de protection des droits de l’homme » et que « ses actions visaient à atteindre l’objectif d’un peuple prospère, une nation forte et une société égalitaire, démocratique et civilisée”. La réalité semble cependant bien différente et les attentes risquent fort d’être déçues.
Le rapport intermédiaire sur la mise en œuvre des recommandations en mars 2020 est un modèle de langue de bois qui passe sous silence l’essentiel. Le Parti communiste vietnamien exerce toujours un contrôle absolu sur le gouvernement, le parlement, la justice, l’économie, bref sur la vie du pays et de ses citoyens. En raison de ce monopole de fait, le pluralisme politique est aujourd’hui inexistant. Les voix dissidentes sont étouffées par un appareil judiciaire, policier et médiatique aux ordres du pouvoir. Ce même pouvoir ne souffre pas la moindre contestation. Les dissidents politiques, les militants des droits de l’homme et les bloggeurs sont encore et toujours régulièrement harcelés, arrêtés et emprisonnés.
L’on pourrait croire qu’à quelques semaines de son nouvel examen périodique universel et en pleine campagne de réélection du Vietnam comme membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, le Vietnam allait lâcher du lest. Il n’en est rien.
A deux reprises , en janvier et en mai 2023 , une quinzaine de membres (*) du Grand Conseil de la République et Canton de Genève, sensible aux promesses du Vietnam , se proposait de former une délégation afin de rencontrer l’ambassadeur du Vietnam. Cette démarche suisse entrevoyait un engagement possible du Vietnam pour une coopération et un dialogue constructifs dans la promotion et la défense des droits humains. A ce jour, la proposition est restée sans réponse des autorités vietnamiennes.
Le 29 février 2024, plusieurs militants des droits de l’homme ont été arrêtés et emprisonnés. « Ces trois activistes ne sont coupables de rien sauf d’exercer leurs droits basiques de liberté d’expression », a déclaré Phil Robertson, directeur adjoint de l’ONG pour l’Asie.
C’est bien cette réalité qui risque fort d’être, à nouveau, relevée par le Conseil des droits de l’homme. Mais cela n’empêchera pas le Vietnam d’être réélu à ce même Conseil. Hypocrisie ? Oui, mais c’est une autre histoire /
Sébastien Desfayes, Président du Comité Suisse Vietnam Cosunam.
(*) Alexandre de Senarclens, Thierry Arn, Alexis Barbey, Patricia Bidaux, Natacha Buffet-Desfayes , Alia Chaker Mangeat, Pierre Conne, Joelle Fiss , Jean-Marc Guinchard, Pierre Nicollier, Céline van Till, Céline Zuber-Roy, Cyril Aellen, Thierry Oppikofer, Sébastien Desfayes.