La disparition du journaliste Duong Van Thai, symbole de l’arbitraire du régime vietnamien
HRW Human Rights Watch (HRW) et Reporters sans frontières (RSF) accusent le Vietnam d’avoir enlevé un blogueur réfugié en Thaïlande.
Le journaliste Duong Van Thai, qui avait fui en Thaïlande en 2019 pour échapper aux autorités vietnamiennes et ensuite obtenu le statut de réfugié, a disparu à mi-avril 2023. Selon les médias officiels vietnamiens, l’homme de 41 ans est actuellement en détention au Vietnam après avoir été arrêté pour “entrée illégale” dans le pays par un passage frontalier non officiel près du Laos le 14 avril.
Phil Robertson, directeur adjoint de la division Asie de HRW ainsi que Daniel Bastard, responsable du bureau Asie-Pacifique de RSF ont demandé aux autorités thaïlandaises d’enquêter. “Des agents de l’État vietnamien ont enlevé Duong van Thai , réfugié reconnu par le HCR, dans la rue près de sa résidence dans la province de Pathum Thani, juste à l’extérieur de Bangkok”, a déclaré Robertson lors d’une conférence à Bangkok.
Grace Bui, une amie de Duong et ancienne chargée de plaidoyer au 88 Project, une organisation à but non lucratif qui promeut la liberté d’expression au Vietnam, a déclaré que Duong “ne serait jamais (volontairement) retourné au Vietnam”.
Disposant, précisément, de sources dans les plus hautes instances du PCV, Duong Van Thai publiait, sous forme de textes et de vidéos, de nombreuses informations sur la corruption et les luttes intestines au sein du parti. En tant que tel, il était une cible privilégiée du tout-puissant secrétaire général Nguyen Phu Trong, en bonne place dans la galerie des prédateurs de la liberté de la presse publiée par Reporters Sans Frontières. Les médias d’État ont déclaré qu’il publiait des “informations déformées” sur les fortunes des dirigeants vietnamiens.
Mme Grace Bui a décrit comment le 13 avril, elle a reçu un appel disant que Duong avait disparu. Des témoins lui ont dit plus tard qu’ils avaient vu deux berlines blanches bloquer sa moto, une devant et une derrière. “Ils sont venus pendant Songkran (Nouvel An thaïlandais) donc tout le monde était en vacances et tous les magasins étaient fermés”, a-t-elle dit, ajoutant que Duong lui avait dit à plusieurs reprises depuis 2021 qu’il se sentait en danger.
La police thaïlandaise a déclaré avoir contacté les autorités vietnamiennes sans succès. Seule information qui a émergé : la police de la province de Ha Tinh, dans le nord du Vietnam, a affirmé le lendemain de cette disparition que Duong Van Thai avait été arrêté pour “entrée illégale” sur le territoire national depuis… le Laos !
Exfiltrations sauvages orchestrées par Hanoi.
Ce n’est pas la première fois que des citoyens vietnamiens réfugiés disposant d’informations sur le régime sont “exfiltrés” vers leur pays d’origine. En janvier 2019, Truong Duy Nhat, de Radio Free Asia, a été enlevé en plein cœur de la capitale thaïe. Il a été condamné, le 9 mars 2020, à 10 ans de prison pour avoir “abusé de sa position professionnelle”.
En Europe même, un tribunal allemand avait condamné en 2018 un Vietnamien, Long N.H, résidant en Slovaquie à près de quatre ans de prison pour avoir participé à un enlèvement dans le plus pur style de la guerre froide orchestré par Hanoï d’un ressortissant vietnamien Trinh Xuân Thanh – ancien apparatchik en fuite- en plein milieu d’un parc de Berlin. Sous couvert diplomatique, une escouade d’agents de la sécurité vietnamienne avait fait le déplacement en Allemagne pour organiser ce rapatriement forcé que le régime a présenté comme un retour volontaire. Le gouvernement allemand a pu remonter une partie de la filière impliquée et expulsé deux diplomates vietnamiens en réponse.