Crise et tragédie du Covid-19 au Vietnam : les fautes des apparatchiks.
On le sait, tous les pays du monde ont souffert et souffrent encore de la pandémie. La mort, la maladie et la misère sont devenues le lot quotidien de nombreuses populations. L’Asie lutte tant bien que mal contre ce virus sans frontières et les conséquences sociales dramatiques induites par l’effondrement de pans entiers de l’économie.
Mais au Vietnam plus qu’ailleurs, des voix s’élèvent pour dénoncer les erreurs fatales du régime de Hanoi. L’incompétence crasse des apparatchiks a conduit le pays au bord du précipite sanitaire, social et économique.
Par Sébastien Desfayes / Le succès du Vietnam face aux trois premières vagues de la pandémie en 2020 fut, au mieux, une victoire à la Pyrrhus, au pire, la cause de la tragédie actuelle. Complaisants et rendus immobiles par le poids de leurs certitudes, les dignitaires vietnamiens n’ont pas anticipé la quatrième vague liée au variant Delta, ni mis sur pied un programme de vaccination digne de ce nom. Début juin, alors que le Vietnam avait vu le nombre de cas explosé depuis le mois d’avril 2021, les autorités vietnamiennes se montraient non seulement désintéressées mais aussi suffisantes. M. Vu Duc Dam, ministre et chef du comité directeur pour la prévention et le contrôle du Covid-19, déclarait en effet péremptoirement que : « Malgré de nombreux cas, et ses effets effrayants dans le monde, le virus ne pourra certainement rien faire au Vietnam. »
Mais au cours des 5 derniers mois, M. Vu Duc Dam et l’appareil politique du Parti communiste du Vietnam non seulement n’ont pas réussi à éradiquer l’épidémie, mais ont dû changer leur discours, lequel est passé de «combattre l’épidémie comme combattre l’ennemi » à un prudent « savoir vivre avec l’épidémie ».
Au cours des derniers mois, le virus s’est propagé avec virulence dans le pays, tout particulièrement à Saigon et dans les 19 provinces du sud, avec plus de 600’000 cas et plus de 15’000 morts (ce qui représente le taux de mortalité le plus élevé du pays avec 3,9 % alors que la moyenne nationale est de 2,5%, et dépasse de loin la moyenne mondiale de 1,9%). Dans la mesure où les villes les plus touchées – Saigon, Binh Duong, Dông Nai – forment le triangle industriel du pays, 80% des entreprises vietnamiennes ont dû cesser leurs activités. Le Vietnam connaît ainsi, au troisième trimestre, sa pire performance économique depuis 1986. Des millions de travailleurs ont perdu leur emploi. Mais le tribut le plus lourd de la crise économique a été payé par les petits commerçants et artisans, victimes de la fermeture des marchés traditionnels. Privés de tout revenu, ils ne doivent leur subsistance qu’aux repas distribués par des organisations de bienfaisance, le plus souvent religieuses , l’Etat vietnamien s’étant révélé incapable de leur octroyer des aides financières.
Les erreurs du régime ont été multiples. La concentration massive lors des mises en quarantaine des personnes infectées dans des zones denses et insalubres n’a fait qu’amplifier les foyers d’épidémie. Environ 80 à 90% des nouveaux cas sont localisés dans ces grandes zones d’isolement concentrées. Par ailleurs et aussi choquant que cela puisse paraître, les tests de masse ne respectaient pas les standards minimaux d’hygiène, entraînant des contaminations supplémentaires.
Mais c’est surtout la lenteur dans la mise en place du programme de vaccination qui explique le drame actuel. Au début du mois d’août, moins de 2 % de la population était entièrement vaccinée, contre 36.5% au Cambodge par exemple. Les apparatchiks n’avaient en effet pas estimé utile de commander des vaccins en raison des succès enregistrés contre le virus en 2020. En outre, guidé par une arrogance funeste, le régime de Hanoi entendait développer son propre vaccin, le Nanocovax, qui n’en est aujourd’hui qu’à son premier stade de développement. C’est ainsi que le Vietnam en est réduit aujourd’hui à quémander à l’étranger les doses de vaccins aux pays occidentaux et à la Russie.
L’inertie de la bureaucratie communiste et l’incompétence crasse des hauts responsables ont causé de terribles souffrances dans la société vietnamienne alors que les ravages de la pandémie augmentent comme la colère du peuple.
Ainsi , depuis quelques jours , on assiste à un exode massif et incontrôlé de dizaine de milliers de Saigonnais (en grande majorité les travailleurs des grandes entreprises qui sont fermées ) vers leurs provinces d’origine, malgré l’interdiction des autorités , pour échapper au confinement et à la misère de la métropole. Au risque d’aggraver la contamination aux 4 coins du pays et l’activité économique du pays déjà au bord de la faillite. Avec des scènes de désolation et de troubles civils qui rappellent les pires moments de l’histoire du Vietnam.
Au regard de cette nouvelle tragédie vietnamienne, les soubresauts de la vie politique et sociale en Suisse sur la gestion de l’épidémie apparaissent bien dérisoires.
Sébastien Desfayes/4 octobre 2021
(*) L’image principale en tête de l’article illustre l’absurdité de la situation actuelle au Vietnam ( traduction de haut en bas) : “Fêtons le Parti et le printemps”-“Zone verte non contaminée par le virus “-“Entrée interdite”.