Allocution de Sébastien Desfayes au Parlement Européen ( Bruxelles 28 février 2023)
” Avec la chute du mur de Berlin le 9 octobre 1989, un vent de liberté et d’espoir s’est répandu dans toute l’Europe de l’Est. On pensait que ce vent allait dépasser les frontières européennes pour atteindre d’autres bastions comme Cuba, la Corée du Nord, la République populaire de Chine et, bien sûr, le Viêt Nam. C’est dans ce contexte d’effervescence qu’est né à Genève, le 5 juillet 1990, le Comité Suisse-Vietnam pour la Liberté et la Démocratie.
Le Cosunam suit de près la situation des droits de l’homme au Vietnam en particulier, et peut s’appuyer sur trois ambassades occidentales, dont l’ambassade de Suisse, pour coordonner des interventions urgentes sur des questions de droits de l’homme. Sachant aussi que Genève est le deuxième plus grand bureau de l’ONU et le siège du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. La Suisse est désormais membre du Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui nous donne plus d’impact pour aborder ces questions.
Comme vous le savez peut-être, le 11 octobre 2022, le Vietnam a été élu au Conseil des droits de l’homme de l’ONU pour le mandat 2023-2025 par 145 voix sur 193. L’adhésion du Vietnam au Conseil des droits de l’homme, après une intense campagne de propagande et de lobbying pour soutenir son effort électoral, était tout sauf une surprise. En effet, les pires et les plus méprisables des États ont été élus au Conseil des droits de l’homme.
Cela témoigne de l’hypocrisie des systèmes électoraux, étant donné que la résolution 60/251 de l’Assemblée générale des Nations unies, qui a créé le Conseil des droits de l’homme, invite les États qui votent pour des membres à “tenir compte de la contribution des candidats à la promotion et à la protection des droits de l’homme”. Les membres du Conseil sont tenus de “respecter les normes les plus élevées en matière de promotion et de protection des droits de l’homme” dans leur pays et à l’étranger et de “coopérer pleinement avec le Conseil”.
Actuellement, des États comme la Libye, le Qatar, le Soudan et Cuba, pour n’en citer que quelques-uns, siègent au Conseil des droits de l’homme.
Néanmoins, j’ai été – et je suis toujours – choqué par cette élection, car elle contredit un rapport de l’ONU publié il y a quelques années.
Je me souviens très bien du mois de mars 2019, lorsque le Cosunam, avec son président de l’époque Rolin Wavre et moi-même avons assisté à la 125e session du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme pour écouter des interventions très dures sur les violations des droits de l’homme commises par la “République socialiste” du Viêt Nam.
Le comité ad hoc de l’ONU, qui avait pris connaissance des rapports alarmants et factuels d’une douzaine d’ONG, dont le ” Shadow Report ” de COSUNAM, a rédigé un rapport pertinent sur la situation des droits de l’homme au Vietnam, notamment “l’incohérence et les contradictions entre les différentes lois nationales”, “l’incompatibilité entre la liberté d’expression universelle et l’application des règles de sécurité nationale vietnamienne”, “la protestation civile publique mais non violente contre la dictature du PCVN qui est assimilée par les autorités vietnamiennes à une forme de terrorisme contre l’État”, etc.
Les délégués vietnamiens présents n’ont même pas tenté de contester les conclusions de l’ONU et de répondre à ces questions.
Prenons au mot les déclarations et les promesses du Vietnam en matière de promotion des droits de l’homme pour ces prochaines années.
Ce n’est que quelques années plus tard que le Vietnam a obtenu un siège au Conseil des droits de l’homme, alors que nous avions constaté, avec toutes les ONG, une nette détérioration de la situation des droits de l’homme au Vietnam. Le fait que le Vietnam ait été élu au Conseil témoigne des problèmes structurels du régime international actuel des droits de l’homme et est un véritable non-sens.
Avec leur habituelle langue de bois, les autorités vietnamiennes, par le biais des médias d’Etat, ont annoncé dès la confirmation de l’élection que “ce résultat montre que la participation active du Vietnam aux activités du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, ses engagements et ses efforts vigoureux dans la promotion et la protection des droits de l’homme ont été reconnus et appréciés par la communauté internationale”.
Le Vietnam doit immédiatement s’engager à prendre des mesures concrètes pour améliorer son bilan en matière de droits de l’homme, notamment en libérant les défenseurs des droits de l’homme détenus arbitrairement, en organisant des élections démocratiques, en garantissant les droits fondamentaux et l’accès à une justice indépendante. Nous demandons l’abrogation des articles 109 (Subversion), 117 (Propagande contre l’Etat vietnamien), 118 (Désordre public) et 331 (Abus des libertés démocratiques) du Code pénal vietnamien, qui sont utilisés pour faire taire l’opposition civile.”
Sébastien Desfayes, avocat et député genevois, président du Cosunam.