Entre pessimisme et espoir
Par Sébastien Desfayes / L’avènement de la contestation via les réseaux sociaux, la mondialisation, avec, en corolaire l’afflux massif d’investisseurs étrangers, et le vieillissement des cadres du parti unique ne devaient-ils pas inévitablement conduire à la chute du régime en place?
Non. Hélas.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la conjugaison de ses facteurs a au contraire renforcé le Vietnam communiste.
Les mouvements citoyens actifs sur les réseaux sociaux ont été férocement réprimés. Avec la complicité de géants de la technologie, et en premier lieu de Facebook et Google, la censure de l’opposition pacifique et de la liberté politique au Vietnam a fini par prévaloir. Le grand espoir pour l’essor de la liberté d’expression dans le pays a été brisé et les réseaux sociaux sont devenus des «zones sans droits de l’homme», pour reprendre les termes utilisés pour Amnesty International. L’autorité du régime s’en ainsi considérablement renforcée.
Le cynisme et la vision à court terme caractérisent au demeurant l’ensemble des acteurs économiques occidentaux au Vietnam. Finalement, qu’importe la défense des droits humains au regard des avantages offerts pour le Vietnam, pays à la main d’œuvre qualifié et bon-marché, dont, de surcroît, la docilité est assurée par un code du travail des plus laxistes ! Les investisseurs étrangers sont d’autant moins regardants que le Vietnam constitue l’alternative la plus crédible à une Chine jugée de moins en moins fiable à tous égards. C’est ainsi que le parti unique dispose aujourd’hui d’un levier fort dans ses négociations commerciales avec l’occident et n’entend pas se laisser dicter quelques conditions que ce soit, surtout si celles-ci touchent à l’assouplissement du régime.
Or, sans pression extérieure, le parti unique ne se réformera pas. Il demeure d’ailleurs plus figé que jamais, ce qui n’est pas peu dire. Les éléments jeunes et progressistes du parti, dont on attendait tant l’avènement, ont été tous évincés. Les caciques, tenants de la ligne dure et pro-chinoise, sont toujours bien accrochés, si ce n’est fossilisés, au pouvoir à l’image de Nguyen Phu Trong, réélu en janvier dernier à plus de 77 ans en tant que secrétaire général. Triste ironie de l’histoire, Nguyen Phu Trong avait fait campagne sur sa prétendue « bonne gestion » de la pandémie de Covid-19. Celle-ci a cependant rebondi dramatiquement depuis le mois d’avril.
Alors, au Vietnam, rien de nouveau ?
Pas forcément néanmoins.
L’adoption en décembre 2020 par l’Union Européenne de la loi dite « Magnitsky » constitue peut-être un tournant décisif. L’UE peut désormais sanctionner les auteurs de violations des droits de l’homme dans le monde entier, que ce soient des individus ou des entreprises. A condition d’être bien utilisée, cette loi sera la pierre angulaire d’une politique étrangère plus agressive axée sur les droits humains, loin des vœux diplomatiques lénifiants qui ont eu cours jusqu’à présent. Dans cette hypothèse, certains dignitaires et autres corporations d’état au Vietnam pourraient se faire du souci. C’est d’autant plus au regard de la récente résolution (votée par 597 voix pour, 17 contre et 61 abstentions) des députés européens se déclarant « consternés par l’intensification de la répression de la dissidence et par les violations croissantes des droits de l’homme au Vietnam ».
Une lueur d’espoir.
par Sébastien Desfayes , Président du Cosunam