Journée internationale des Droits de l’homme- 10 décembre 2020
Le message de Sébastien Desfayes, président du Cosunam
En ce jour du 10 décembre 2020
L’année 2020 touche à sa fin. Le bilan de cette année éclaire d’une lumière crue la violation des droits humains au Vietnam. L’affaire de Dong Tam a d’abord rappelé que l’état de droit n’existe pas au Vietnam. Des villageois ont été spoliés de leur terre. Ils ont été ensuite brutalement arrêtés lors d’un raid militaire meurtrier – le patriarche du village a été abattu – mené à l’abri du regard des médias indépendants. Loin de protéger ces villageois et de mener un procès équitable, la justice, à la botte du pouvoir, a accusé à tort 29 d’entre eux de meurtre ou de complicité de meurtre, ainsi que de divers autres crimes. Alors même que le Vietnam est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les avocats ont été empêchés d’assister leurs clients jusqu’à l’ouverture du procès, mené d’ailleurs dans le plus pur style stalinien. La sentence prononcée le 14 septembre 2020 comporte notamment deux condamnations à mort et une peine d’emprisonnement à perpétuité. Des appels contre cette sentence inique et abusive ont été déposés.
Le COSUNAM a été particulièrement actif dans ce contexte et a remis une lettre ouverte au Consulat du Vietnam à Genève le 27 octobre 2020. Cette lettre, à l’attention du premier ministre du Vietnam et cosignée par une centaine de personnalités de la vie civile et du monde politique et religieux et des ONG des droits de l’homme en Europe et dans le monde, s’insurge contre les peines infligées et demande que la procédure d’appel respecte les
principes d’une justice équitable. A ce jour, le régime n’a même pas jugé bon d’accuser réception de cette lettre ouverte, ce qui en dit long sur sa nature totalitaire.
Comme nous l’évoquions dans la dernière newsletter, ce même régime, qui s’autoproclame «démocratique» et recherche avec avidité la reconnaissance et les investissements internationaux, a conclu un accord de libre échange majeur avec l’Union Européenne. Il est possible de voir le verre à moitié vide : l’Europe, avec un certain aveuglement qui confine au cynisme, n’a pas cherché à infléchir la ligne dure suivie par les apparatchiks de Hanoi et à faire progresser la liberté et la démocratie au Vietnam. De même, cet accord ne bénéficiera pas à la population vietnamienne, mais permettra à quelques multinationales irresponsables d’intensifier leurs productions au Vietnam sans se soucier des droits de douane et du respect des règles sociales élémentaires, ce dans le contexte des tensions commerciales entre l’Europe et la Chine.
Mais l’on peut voir aussi le verre à moitié plein en remarquant d’abord que quelques 200 députés du Parlement européen sur les 700 se sont opposés à la ratification de l’accord. De même, le 25 septembre 2020, de nombreux députés européens ont adressé une lettre à la Commission demandant à cette dernière de s’assurer du respect des droits humains au Vietnam et de suspendre l’accord de libre échange en cas d’absence d’évolution positive par les autorités vietnamiennes en la matière.
Cependant, la répression politique ne s’est aucunement atténuée au Vietnam. Bien au contraire. Comme l’a relevé un rapport d’Amnesty International, plus de 170 personnes, accusées « d’activisme en ligne », sont détenues dans les geôles du régime. Il s’agit là du plus grand nombre de prisonniers de conscience au Vietnam depuis qu’Amnesty International publie ces chiffres, à savoir 1996. Alors que l’on espérait que les plateformes internet allaient promouvoir la liberté d’expression, c’est la censure et les arrestations massives qui aujourd’hui prévalent. Les géants du numérique ne sortent au demeurant pas grandis – pour user d’un euphémisme – de cette tragédie. En effet, Google et Facebook ont cédé aux menaces d’Hanoï et annoncé qu’ils allaient empêcher la publication et la diffusion de contenus « contre l’Etat. »
L’année 2020 aura donc été terrible à tous points de vue au Vietnam et il est douteux que l’année 2021, qui commencera avec le 13 ème Congrès National du Parti Communiste, soit celle de la liberté et de la démocratie.