Exil et arrivée en Suisse, le périple extraordinaire d’un réfugié politique
Le Cosunam organise annuellement une soirée de soutien pour les familles des prisonniers et des activistes vietnamiens qui sont dans un besoin extrême. L’événement est organisé également pour transmettre des informations sur la situation générale des droits de l’homme au Vietnam à la population suisse et à ses relais politiques.
Cette année, l’événement a eu lieu le 20 novembre, à Genève, en présence d’une centaine d’ invités, parmi lesquels de nombreuses personnalités politiques tels que les ministres genevois, MM. Pierre Maudet et Thierry Apothéloz, le maire du Grand-Saconnex, M.Laurent Jimaja, le président du parti Le Centre, M.Philippe Rochetin, le Conseiller national Cyril Aellen, et une douzaine de députés de différents partis, ainsi que des amis et invités de marque venus de loin.
Une allocution de M. Sébastien Desfayes, député, avocat et président en titre depuis 2020, a résumé la situation dramatique actuelle des droits de l’homme au Vietnam presque 50 ans après la chute de Saigon. Il a appelé les autorités vietnamiennes à mettre fin à la répression, à respecter les droits de l’homme et à libérer les prisonniers d’opinion vietnamiens, ceux là même qui défendent avec courage et détermination la vérité et la droiture.
Les invités ont pu suivre ensuite une interview vidéo (*) de Mme Trân Nghi, coordinatrice de la Fédération asiatique des droits de l’homme en France , membre de Viet Tan, sur la situation des droits de l’homme au Vietnam sous la férule de Tô Lâm, ex-ministre impitoyable de la Police et devenu secrétaire général du parti communiste vietnamien.
( *) cliquez sur l’image ” Vietnam 1975, Vietnam 2025 ? ”
Cette année, l’invité d’honneur de la soirée est M. Nguyen Van Trang. Ce dernier est un militant pour la démocratie au Vietnam, poursuivi depuis des années par le régime. M. Trang a du fuir en Thaïlande et y a vécu illégalement pendant 6 ans en changeant constamment de domicile car menacé dans son intégrité physique par les services de sécurité vietnamiens partis à sa recherche. Grâce aux démarches des membres du Cosunam pendant plus d’une année, la famille de M. Trang est arrivée de justesse en Suisse en mars 2024 grâce à un visa spécial humanitaire.
Devant les invités, M. Nguyen Van Trang a pu évoquer les raisons qui l’ont incité au Vietnam à rejoindre la lutte pour la justice sociale et ses souffrances face à la féroce répression policière pendant cette période d’activisme au Vietnam.
“J’ai commencé à lutter pour la justice sociale lorsque j’étais encore étudiant à l’université. Ma motivation était due aux injustices dont j’étais témoin chaque jour au Vietnam. J’ai pu observer la vie de gens du peuple qui vivaient paisiblement dans leur maison léguée par leurs ancêtres depuis des décennies. Cependant, un jour, le gouvernement est arrivé et les a forcés à partir et a réquisitionné ces terrains pour y construire une zone touristique ou industrielle, avec une compensation misérable insuffisante pour obtenir un nouveau logement. Ces actes d’expropriation de terrains se produisent de plus en plus au bénéfice des membres du parti communiste. En outre, en tant que citoyen, je ne me sens pas en sécurité face au recours de plus en plus répandu à la violence par la police vietnamienne et ses auxiliaires contre la population. Au Vietnam, les cas des personnes torturées et battues à mort dans les centres de détention par la police sont nombreux.
Les injustices notoires se sont accumulées de plus en plus et j’ai pensé que je devais absolument agir en tant que citoyen responsable. Ainsi j’ai rejoint avec d’autres personnes motivées une organisation d’opposition, Fraternité pour la Démocratie, en 2016 . Nous participions à diverses manifestations pacifiques et fournissons des conseils juridiques aux personnes qui ont été lésées par les autorités locales. C’est ainsi que j’ai été repéré et ciblé par la police vietnamienne.
La police m’a souvent arrêté, suivi, harcelé sur le chemin de l’école. Les autorités ont également exigé de l’Université à m’expulser alors que j’étais à seulement deux mois d’obtenir mon diplôme universitaire et de devenir ingénieur en construction. La répression policière à mon encontre s’est intensifiée de jour en jour. Pour éviter d’être arrêté, j’ai dû quitter ma ville natale en 2018. Cependant, la police a continué à me poursuivre. Ainsi j’ai dû fuir au Cambodge et me rendre en Thaïlande pour demander l’asile politique.
Cependant, le gouvernement thaïlandais n’a jamais vraiment respecté la Convention sur les réfugiés. Au contraire, il harcèle régulièrement les réfugiés en place. Ma famille et moi avons vécu 6 ans dans une insécurité constante depuis notre exil. Pendant cette période, les policiers venaient souvent chez mes proches au Vietnam, menaçant de me ramener de force au Vietnam, mort ou vif.
Heureusement, grâce aux efforts opiniâtres du Cosunam pendant plus d’une année, ma famille est maintenant en sécurité en Suisse depuis 9 mois.
Mesdames et messieurs, ma famille a vraiment beaucoup de chance de pouvoir venir en Suisse grâce à un visa humanitaire d’urgence, c’est un magnifique pays. Notre famille a été traitée avec grande bienveillance par le gouvernement suisse dès son arrivée, avec des conditions favorables pour nous intégrer dans la société locale. Nous avons également reçu l’aide de voisins aimables dans un village en Suisse alémanique proche de Zurich, les soins dévoués du pasteur et des fidèles de l’église protestante dont nous sommes membres. Actuellement, nous apprenons intensivement l’allemand et ma femme a déjà commencé un nouvel emploi. Les choses vont de mieux en mieux.
Mais contrairement à ma chance, sachez qu’il y a encore des centaines de militants des droits de l’homme au Vietnam qui sont toujours en prison. Non seulement ils sont soumis à des conditions de détention déplorables, mais les prisonniers d’opinion sont également envoyés exprès purger leur peine dans des lieux éloignés de leur famille, ce qui constitue une punition supplémentaire. Ainsi, les personnes vivant au Nord seront détenues dans des localités au Sud et vice versa. Les proches doivent parcourir des milliers de kilomètres pour leur rendre visite, les laissant épuisés physiquement et financièrement.
Mesdames et Messieurs, j’apprends que de nombreuses personnalités influentes participent à la soirée d’aujourd’hui et jouent un rôle important dans la politique suisse et la société civile. J’espère qu’avec humanité, vous vous souviendrez et apporterez votre voix pour défendre les prisonniers d’opinion opprimés et leurs familles au Vietnam.”
Nguyen Van Trang