La corruption menace plus que jamais la solidité du régime
Selon un récent rapport de Transparency International, les niveaux de corruption au Vietnam ont quelque peu diminué en 2021, descendant à la 87e place la plus corrompue des pays du monde contre la 104e en 2020. Mais ce changement ne reflète pas le cas de corruption d’une ampleur jamais égalée au Vietnam lié aux kits de test COVID qui a été révélé au cour des derniers jours de 2021. L’ampleur et l’implication de hauts fonctionnaires civils, médicaux et de l’armée – a ébranlé le pays.
L’affaire des kits test COVID de Viet A
Pour rappel, la 1ère affaire concernait Viet A Technologies en 2021 , une société privée qui aurait gagné des profits illicites de près de 200 millions de dollars en surfacturant ses kits de test COVID et en collusion avec de nombreux directeurs d’hôpitaux à travers le pays et ceci en pleine pandémie et de politique zéro-covid à la chinoise ( voir nos précédents articles). À la suite d’enquêtes, plusieurs personnalités éminentes ont été arrêtées, dont le PDG du Viet A et tout un réseau de hauts fonctionnaires des ministères de la Santé publique, de l’Armée, des Sciences et de la Technologie de recherche et des centres provinciaux sanitaires.
Les personnalités impliquées dans le scandale de Vietnam A se retrouvent dans tous les secteurs: Affaires, Santé, Science et Technologie, Armée. La pointe de l’iceberg ?
Avant l’éclatement de ce scandale, le Secrétaire général du Parti communiste du Vietnam (PCV) lui-même, Nguyen Phu Trong avait décerné la Médaille du Travail à l’entreprise Viet A en “reconnaissance de la lutte de l’entreprise contre le COVID” . À la suite de cette révélation qui a éclaboussé l’appareil du Parti, conscient que la survie du régime était en jeu, Trong a du rétropédaler depuis son poste de président du Comité directeur central de lutte contre la corruption (CSCC) pour autoriser enfin des enquêtes sérieuses et des sanctions dans neuf autres affaires de corruption au début de 2022.
Dans le scandale du kit test Covid de Vietnam A , on peut constater plus que jamais la gangrène de la corruption au Vietnam.
Dans l’affaire de Vietnam A , deux hauts dignitaires du Parti, M. Chu Ngọc Anh, président du Comité populaire de Hanoi et M. Nguyen Thanh Long, ministre de la Santé sont actuellement en instance de mesures disciplinaires. Mais des questions pressantes demeurent : combien de cas de corruption restent encore à découvrir et les efforts anti-corruption du PCV sont-ils efficaces dans un régime aussi autoritaire et liberticide ?
Pour être objectif, il faut reconnaitre que la campagne anti-corruption a obtenu des résultats significatifs depuis quelques années. En décembre 2020, le premier rapport du comité anti-corruption depuis sa création en 2013 a montré que bon nombre de membres du parti ( quelques milliers) ont été sanctionnés ou poursuivis pour des affaires de corruption.
Ces chiffres continuent d’augmenter avec des poursuites et enquêtes sur 390 affaires de corruption impliquant 1011 personnes en 2021, dont un secrétaire provincial du parti, un vice-ministre de la Santé et 10 généraux supérieurs du commandement de la police maritime du Vietnam ( voir image ci-dessus).
Mais il semblerait que plus on détecte les cas de corruption , plus ils semblent n’être que la pointe de l’iceberg.
Transparency International décrit quatre conditions pour devenir une nation « sans corruption » : des mécanismes indépendants de contrôle une société civile autonome, un État de droit fort et un journalisme d’opinion indépendant. Or au Vietnam, les médias ne peuvent publier que des rapports censurés et autorisés sur les cas de corruption par des agences d’État. Les restrictions à la liberté de la presse et d’expression sapent les capacités d’enquête indépendantes et minimisent la responsabilité du régime et du parti. Les cadres et les fonctionnaires sont particulièrement exposés à la corruption dans une société dépourvue de ces freins et contrepoids.
L’affaire Viet A servira de “kit de test” pour Nguyen Phu Trong et les efforts anti-corruption du régime car la population vietnamienne se pose de plus en plus la questions sur les véritables responsables de cette affaire. Certains soupçonnent que l’affaire n’est en fait qu’un “règlement de comptes public entre factions rivales” de la Sécurité d’Etat, le Ministère de la Santé et l’Armée.
L’affaire des vols de rapatriement
La seconde affaire a éclaté cette fois dans le Ministère des Affaires Etrangères ou trois membres du personnel de la direction des affaires consulaires ont été arrêtés et accusés d’avoir accepté des pots-de-vin pour organiser des vols de « rapatriement » à des prix exorbitants pour les ressortissants vietnamiens à l’étranger pendant la pandémie.
A ce jour, la corruption est un virus qui s’est propagé dans tous les secteurs au Vietnam. Sans la prise en considération des quatre éléments cités de Transparency International, les efforts anti-corruption du régime ne pourront qu’échouer à terme. Dans ce contexte, la solidité du régime est clairement menacée de l’intérieur par ses propres dignitaires et non par les activistes et dissident(e)s de la société civile vietnamienne comme Pham Doan Trang et Nguyen Thuy Hanh.