Le prix de la vérité pour les défenseurs de la liberté
2022 sera-t-elle l’année de la prise de conscience en Occident du caractère infréquentable du régime d’Hanoi ? La question mérite d’être posée.
Par Sébastien Desfayes / Coup sur coup en effet, le sort poignant de deux femmes, résistantes et militantes des droits humains, a été mis en lumière. C’est toute la brutalité et l’arbitraire sévissant dans le pays qui, avec elles, sortait enfin de l’ombre.
Dans son édition du 18 février 2022, le quotidien Le Monde dressait un portrait au vitriol du régime vietnamien, coupable, entre autres, d’une répression impitoyable à l’encontre des défenseurs de la liberté. Le Monde mettait l’accent sur le destin brisé de Nguyen Thuy Hanh qui, « en réponse à son attachement à la démocratie a subi le harcèlement permanent de la police politique » jusqu’à son arrestation et incarcération en avril 2021. Figure emblématique de l’opposition à la dictature, Nguyen Thuy Hanh est bien connue des amis du COSUNAM qui se sont mobilisés en nombre pour demander sa libération.
Quelques semaines plus tôt, une autre Vietnamienne engagée, Pham Doan Trang, recevait le Prix Martin Ennals 2022 de la Ville de Genève (avec Daouda Diallo qui milite pour les droits humains au Burkina Faso et Abdul-Hadi Al-Khawaja, activiste de la liberté et de la démocratie dans le Golfe).
A l’instar de Nguyen Thuy Hanh, le parcours de Pham Doan Trang, journaliste, éditrice et militante, est significatif de la fortitude que suppose la défense au Vietnam des libertés individuelles et de l’état de droit. Harcelée pendant plusieurs années par les autorités, battue par la police en 2018, ce qui l’a amené à vivre cachée pendant plusieurs mois, Pham Doan Trang a finalement été arrêtée le 7 octobre 2020. Comme Nguyen Thuy Hanh à nouveau, elle a été placée en détention sur la base de l’article 117 du Code pénal vietnamien qui punit la « propagande contre l’Etat ». Le 14 décembre 2021, elle a été condamnée à ce titre à neuf ans de prison. Comme Nguyen Thuy Hanh encore et toujours, son état de santé suscite les plus grandes inquiétudes.
Il est tout sauf anodin que la dictature d’Hanoï, qui a bénéficié d’une grande mansuétude en Occident pendant plusieurs décennies, soit aujourd’hui l’objet de critiques virulentes de médias et des organisations non-gouvernementales mondialement reconnus. Derrière l’image faussement « romantique » du Vietnam des années 65-75 habilement entretenue par les apparatchiks pointent la brutalité policière, la répression de toute voix dissidente, les détenus politiques, les violations des droits humains, la justice sous le joug du parti unique. Sans compter la corruption qui règne en maître en pleine tragédie du Coronavirius, avec la complicité des plus hautes instances politiques et médicales du pays comme le démontre l’énorme scandale du Kit Covid-19 de Vietnam A Company (voir Actualités).
Comme l’annonçait jadis un ancien thuriféraire d’Hanoï, « on ne peut pas parler du détenteur du pouvoir qui prend souvent de très rudes formes comme du maquisard de naguère ». Le régime d’Hanoï apparaît aujourd’hui tel qu’il est. Mais que le prix payé par les défenseurs de la liberté, Nguyen Thuy Hanh, Pham Doan Trang et tant d’autres, est exorbitant !