Contribuer à un Vietnam meilleur
Né en Suisse, le Vietnam m’évoque en premier lieu ma famille, la culture dans laquelle j’ai évolué ou encore la nourriture que j’ai dégustée pendant mon enfance. Cependant, de manière paradoxale, à chaque fois qu’une personne parle en termes élogieux de son voyage ou de son expérience du Vietnam, il me vient toujours l’envie de modérer ses propos et de mentionner la situation politique et économique de cet État. Cette dualité de sentiments est finalement une constante dans la vision que j’ai de mon pays d’origine.
Je ressens souvent de la frustration, du dépit ou encore de l’impuissance lorsqu’il est question de la situation politique du Vietnam. En effet, celle-ci n’est guère réjouissante. La répression est toujours plus forte, notamment sur Internet. Les droits démocratiques sont quasiment inexistants. De plus, j’ai un véritable doute sur la volonté qu’a le peuple de changer les choses à moyen terme. Tant que les habitants auront l’impression que leur situation matérielle évolue vers le mieux, le gouvernement communiste n’aura pas grand chose à craindre. Posons-nous la question suivante concernant une région du monde qui a connu une récente révolution : le printemps arabe est-il arrivé par une vraie volonté de liberté ? Ou est-ce que cette volonté de liberté découle avant tout d’un manque de perspectives économiques ?
On pourra toujours penser que si l’impulsion démocratique ne vient pas de l’intérieur, elle viendra peut-être de l’extérieur. Ici, le pessimisme reste toutefois permis. Nous fermons trop facilement les yeux sur les régimes dictatoriaux qui ne portent pas atteinte aux intérêts de nos pays occidentaux.
Pire : nous soutenons indirectement ces régimes. Ceux-ci s’achètent une respectabilité à travers des évènements de portée internationale. Le Qatar, un pays dans lequel les droits démocratiques sont loin d’être respectés, va organiser la prochaine Coupe du monde de football sous la bénédiction des instances internationales. Le Vietnam, quant à lui, devait organiser son premier Grand Prix de Formule 1 en 2020. La Covid-19 a eu raison de cette ambition, mais la question demeure : Ne participons-nous pas à asseoir la légitimité de ces gouvernements en participant à de telles manifestations ?
Citons un autre exemple : le drame de Formosa, qui n’est en réalité que la conséquence d’un besoin de production de plastique local à bas prix, quels que soient les moyens utilisés pour le fabriquer. Ainsi, des entreprises occidentales s’installent dans des pays aux lois laxistes, et nous consommons leurs produits, quelles qu’en soient les conséquences. Est-ce que cela est en adéquation avec notre engagement pour plus de liberté et d’égalité au Vietnam ?
Un mot à dire dans l’évolution des choses.
Heureusement, l’espoir reste possible. Nous vivons dans un monde de plus en plus interconnecté. Une action ici peut avoir des effets au bout du monde. Et si, comme nous l’avons vu, ces effets peuvent être négatifs, ils peuvent aussi être positifs. La population occidentale commence à se rendre compte que les petits comportements de son quotidien peuvent avoir de grandes conséquences ailleurs. Elle a son mot à dire dans l’évolution des choses. En outre, le Vietnam possède une population jeune, qui a l’avenir devant elle. Le pays est donc structurellement prêt à saisir l’opportunité dès qu’elle se présentera. Enfin, nous pouvons compter sur les personnes qui souhaitent s’engager pour la cause du Vietnam (avec le Cosunam, notamment).
Parfois, les grands changements sont déclenchés par des choses imprévisibles. Nous ne pouvons pas savoir comment ni quand. En revanche, nous devons nous tenir prêts à saisir l’occasion quand elle s’offrira à nous. Dans l’attente de ce jour, nous pouvons contribuer à un Vietnam meilleur et soutenir la population vietnamienne à travers tous les petits gestes du quotidien et à travers notre engagement politique. Selon moi, cet engagement politique signifie aussi bien informer nos amis Suisses de la situation politique du Vietnam que lui faire prendre conscience de l’impact potentiel qu’ils auraient sur ce pays lorsqu’on achète à très bon prix des produits « Made in Vietnam » ou qu’on regarde confortablement assis un Grand Prix de Formule 1 se déroulant sur des terrains souvent expropriés.
Lê Van Vinh-Thanh